Fédération de la Somme pour la Pêche et la protection du milieu aquatique
Montaison
Suite à leur arrivée en Baie de Somme, les civelles en provenance de la Mer des Sargasses entament leur phase de migration active vers l’amont du fleuve Somme. Le premier obstacle à la migration d’amontaison est situé à 16 km de la limite de la marée dynamique. Cet ouvrage, le barrage des Six-Moulins, est localisé sur la commune d'Abbeville et est équipé d’une passe-piège à anguilles. Bien que la confluence du Scardon (affluent de la Somme) soit en aval de cette station, la passe-piège d’Abbeville est un bon indicateur des quantités annuelles du recrutement en anguilles du bassin de la Somme.
Le matériel
La passe-piège est composée d’un vivier, d’un tuyau d’attrait, d’un système de surverse, d’une pompe et d’un tapis de reptation équipé de soies espacées de 23 mm. L’eau de la Somme est pompée afin d’alimenter le vivier, de maintenir un attrait important et d’humidifier continuellement le tapis de reptation.
Les anguilles attirées par le débit provenant du tuyau d’attrait remontent le tapis de reptation. Elles se retrouvent alors piégées dans le vivier. Grâce à un système de surverse, le vivier est continuellement alimenté en eau, assurant ainsi sa bonne oxygénation.
La passe-piège est mise en route manuellement au début de la saison de montaison (fin mars – début avril). Le protocole prévoit que le suivi s’achève lorsqu’aucune anguille n’est capturée pendant 14 jours consécutifs, généralement fin septembre. 


La biométrie
La passe-piège est relevée trois fois par semaine, tous les lundis, mercredis et vendredis. Les individus capturés appartenant à une large gamme de tailles et de poids sont séparés en 3 classes de taille (V1, V2 et V3) pour faciliter l’analyse des résultats. Les individus des groupes V1 (moins de 150mm) et V2 (150 à 300mm) correspondent aux anguilles potentiellement migrantes (Edeline, 2005), tandis que les individus de la catégorie V3 (plus de 300mm) sont des anguilles déjà sédentarisées qui sont capturées au cours de déplacements liés au stress ou à la recherche de nourriture (Imbert, 2008).

Les données morphologiques (taille et poids) ainsi que l’état sanitaire sont déterminés individuellement pour les 100ers individus du V1, les 40ers individus du V2 et les 10ers individus du V3. Les individus sont mesurés au millimètre près et le poids est défini au dixième de gramme. Afin d’effectuer ces mesures, les anguilles sont anesthésiées avec de l’eugénol (essence de clou de girofle). Le surplus de capture est dissocié en plusieurs lot selon leur classe de taille et pesé afin d’estimer le nombre d’individu.


L'état sanitaire
Un état sanitaire est défini pour l’ensemble des anguilles mesurées. L'identification des pathologies se fait selon la grille « Santé et Poissons sauvages : Codes pathologies, un outil d’évaluation » (Girard et Elie, 2014). En pratique, un relevé de toutes altérations ou lésions cutanées externes est effectué. La présence éventuelle de macro et micro-parasites est aussi notée. Les parasites externes peuvent être des protozoaires (notamment I. multifiliis), des monogènes (dont les vers plats parasites) ou des crustacés. Les anguilles sont aussi très sensibles à des macro-parasites internes (comme Pseudodactylogyrus sp.) qui peuvent venir se fixer sous les opercules au niveau des branchies. Trois pathologies sont principalement observées depuis le début des suivis :
-L’érosion (Photo a) correspond à une ancienne blessure cutanée. La couche superficielle du tégument est alors endommagée ou manquante, laissant apparaître le tissu sous-cutané sous-jacent. Les causes peuvent être multiples : bactérioses, parasites externes, carences, facteurs environnementaux défavorables, pollutions chimiques, engins de capture.
-L’hémorragie externe (Photo b) est facilement repérable par le sang qui s’échappe de la blessure. Celle-ci, consécutive à un traumatisme ou à une lésion peut être engendrée par diverses causes (maladies infectieuses, parasitisme, traumatismes, irritations, carence en vitamine A).
-Les kystes branchiaux (Photo c) apparaissent suite à un parasitisme à Myxosporidies. Des kystes en forme de grain de riz surgissent alors à l’intérieur des filaments branchiaux. Leurs couleurs varient du blanc au jaunâtre. Aucune réponse inflammatoire n’est associée à la présence de kystes.


Les résultats
Lors du suivi de la passe-piège en 1999, le nombre d’anguilles ayant franchi la passe est estimé à 23 310, bien que la passe-piège n’ait fonctionné que 3 mois. En 2000, ce nombre est évalué à 37 287 sur toute la saison de capture (avril-novembre).
Les conditions climatiques exceptionnelles des années 2001 et 2002 (crues importantes) ont entrainé l’ouverture totale du barrage devenant ainsi totalement transparent pour les anguilles. Les résultats obtenus pour ces deux années sont donc inexploitables et non représentatifs de l’état du stock d’anguilles à cette période (480 captures en 2001 et 36 en 2002).

A partir de 2011, les suivis réguliers ont pu être repris à Abbeville sur la passe-piège du barrage des Six-Moulins. Le nombre d’individus ayant été capturé sur toute la saison de capture est estimé à 1 688 en 2011 (février-novembre), à 7 838 en 2012 (avril-novembre), à 11 079 en 2013 (avril-novembre), à 3 148 anguilles en 2014 (avril-octobre) et à 9 097 en 2015 (avril-octobre). Durant l’année 2016, la pompe permettant l’alimentation de la passe piège n’a pas été fonctionnelle durant la période favorable de migration ce qui explique les faibles captures (604). Malgré des perturbations de même nature en 2017, 2018 et en 2019 les captures s’élèvent à 4749, 2395 et 4930 individus.